Tête à tête avec le chef de la sécurité nationale égyptienne.

Lundi 28 décembre au soir.
 
Dépités et fatigués, nous sommes de retour à nos hôtels après l’interception de nos cars à une quinzaine de kms du Caire. Je perçois, intimement, que l’épisode que nous venons de vivre marque le coup d’arrêt définitif à tout espoir de rejoindre Al Arish. Il est 21H. Chacun regagne sa chambre. Il nous faut digérer la déception…
Je me rafraîchis, fais mes prières… des instants de paix intense… Tellement de tension accumulée en cette journée.
Avec mes 2 camarades, Rachid et Mahmoud, nous décidons après un break d’une heure de ressortir de l’hôtel et d’aller rendre visite aux marcheurs qui campent devant l’ambassade de France. Nous apprendrons plus tard dans la soirée que par la suite plus personne n’a pu sortir de l’hôtel ce soir-là. Je précise que le Mayorca fut dès notre arrivée placé sous haute surveillance permanente : 3 à 4 agents de la police et de la sécurité intérieure postés à l’extérieur ; le même nombre à l’entrée de l’hôtel !
Le taxi nous dépose à quelques mètres en amont de l’ambassade de France. Nous arrivons à hauteur de cette bande de trottoir que nous avons d’emblée collectivement renommée Giza strip, bande de Giza, du nom du quartier où nous nous trouvons. Une bande de trottoir d’à peu près 200m de long sur 3m de large où campent les 300 marcheurs de la Capjpo : les Don Quichotte de Giza Strip tels que j’ai pris l’habitude de les nommer. Le campement est hermétquement clos par des barrières métalliques et cerné de bout en bout par 2 rangs de CRS égyptiens (au moins 200), eux-mêmes encadrés par des policiers, des haut-gradés et des agents de la sécurité intérieure en civil et en uniforme.
J’interpelle par dessus tout ce monde quelques marcheurs pour avoir des nouvelles d’ami-e-s et savoir si on peut être utiles, apporter de l’eau, de la nourriture… On tente de nous confier (sans succès) quelques portables et camescopes à recharger à notre hôtel, on nous remercie pour notre solidarité, on nous invite à revenir plus nombreux…
C’est à ce moment-là, que je note une certaine effervescence du coté des “gradés” qui nous ordonnent de circuler ; une délégation officielle vient d’arriver ! Je m’écarte mais continue d’échanger avec les copains de la Giza strip sur l’interception de nos cars survenue plus tôt. La “délégation officielle” s’arrête à ma hauteur et un monsieur en costume-cravate-manteau sur les épaules très chic s’adresse à moi dans un français impeccable pour me demander :
Lui : “Qui vous a interceptés ?”
Moi : “la police et la sécurité intérieure. Nous avons été retenus 4 heures dans les cars puis ramenés sous bonne escorte à nos hôtels. Tels des criminels. Pourquoi ?”
Son escorte se positionne autour de lui et moi. J’espère que Rachid filme ou enregistre. Tout autour c’est le silence (hormis le bruit continu de la circulation et des sempiternels klaxons cairotes), tout le monde assiste à ce tête-à-tête surréaliste.
Lui : “C’est très bien. C’est pour votre sécurité et votre bien-être.”
Moi : “Ah bon. Je ne comprends pas bien. Pourquoi ne pouvons-nous pas aller à Al Arish ? De quoi avez-vous peur ? Nous sommes des citoyens venus en solidarité avec Gaza. Pour dénoncer le siège et Israël. Notre démarche est non violente… “
Lui : “Vous êtes mieux au Caire. C’est pour votre sécurité… “
Moi : ” A qui ai-je l’honneur ? “
Lui : “Je suis le chef de la sécurité nationale.”
Moi : ” Parfait ! Vous pouvez faire quelque chose alors… “
Lui : “C’est du ressort du ministère des affaires étrangères, moi je suis en charge de votre sécurité.. “
Moi : “Je suis sûre que vous pouvez faire quelques chose… Allez pour la Palestine… un geste de bonne volonté…”.
Lui : “Je ne peux rien faire, ce n’est pas de mon ressort… Adressez-vous à votre ambassade.”
Moi : ” Et la souveraineté nationale égyptienne dans tout ça ?”
Lui : “Bon séjour. Aurevoir.”
Moi : “Dommage pour vous… Assalamou ‘alaykoum, que la paix soit sur vous.”
Fin du tête-à-tête. Monsieur le chef s’éloigne avec sa cour.
Effet positif instantané de mon intronisation : je suis autorisée à récupérer et à emporter le sac de portables et de camescopes à recharger.
Rachid, Mahmoud et moi promettons aux copains de revenir le lendemain matin. Il est minuit passé… nous avons oublié que nous n’avions pas encore mangé depuis le matin. Nous y allons…

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