Droits de l’homme et démocratie dans l’Égypte d’Abdel Fattah al-Sissi

Depuis que le coup d’Etat égyptien du 30 juin 2013 a brusquement destitué Mohamed Morsi (le premier président démocratiquement élu dans l’ensemble du monde arabe), la junte militaire du maréchal Abdel Fattah al-Sissi participe à l’instauration d’un véritable terrorisme d’Etat dans le but d’imposer sa nouvelle feuille de route ; loin, très loin des acquis démocratiques du soulèvement populaire du 25 janvier 2011.

Ce coup d’Etat (qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui survenu au Chili le 11 septembre 1973 durant la présidence de Salvador Allende), vient confirmer les fondements de la jurisprudence occidentale en vigueur dont la visée n’est autre que de faire barrage à tout processus de démocratisation réelle dans des régions du monde considérées comme étant de simples arrière-cours servant les intérêts économiques et géostratégiques d’oligarchies expansionnistes.

C’est donc dans un effroyable bain de sang que s’est annoncé le début de la dictature en Egypte, ôtant la vie de plusieurs milliers d’opposants pacifiques qui refusaient le putsch militaire (et ce, en quelques heures seulement). Quant aux femmes égyptiennes, elles payent elles aussi un lourd tribut puisque le recours aux agressions sexuelles à l’encontre des femmes activistes ou soupçonnées de l’être est en voie d’être banalisé dans les pratiques des forces de l’ordre et des milices contrôlées.

Véritable instrument de torture physique et psychologique, ces viols ont lieu tant dans les commissariats pendant les détentions provisoires que dans les prisons ou lors des interpellations, et concernent les opposantes politiques au régime mais aussi les proches des détenus (épouses, mères, filles…) utilisées comme simple moyen de pression, d’intimidation et d’humiliation. Certains rapports recensent d’ailleurs  plusieurs centaines de viols depuis la vague de répression qui s’est abattue sur le pays suite à la destitution du président Mohamed Morsi.

L’institutionnalisation d’un régime terroriste qui fait de la torture une arme politique, trouve sa justification dans un inlassable et pernicieux verbiage prônant la lutte contre le danger de l’islamisme et du terrorisme…tout en facilitant l’absolution du silence éhonté d’un Occident complice et tout aussi criminel.

Car les positions de l’Occident (1) dans le contexte des soulèvements populaires du monde arabe ne sont d’ailleurs qu’un exemple éclatant et sinistre de l’imposture et de l’hypocrisie du discours droit-de-l’hommiste que l’on sert quotidiennement à l’opinion publique… De par leur soutien financier aux dictatures qui ont sévi au Chili, au Nicaragua, en Roumanie mais aussi en Lybie ou en Tunisie, il est évident que le cas de l’Egypte n’est autre qu’une énième illustration de leur responsabilité dans le processus contre-révolutionnaire qui œuvre pour le maintien et/ou le retour des gouvernances totalitaires dans le monde arabe et qui impose la clôture brutale d’une parenthèse démocratique qui a su propulser aux commandes de leurs nations des forces non gratae car indépendantes et insoumises.

Nos gouvernements ploutocratiques continuent donc dans les faits de couvrir et de légitimer des régimes répressifs et génocidaires responsables de dizaines de milliers d’assassinats, d’arrestations arbitraires, de tortures, de sévices ou encore de viols d’hommes et de femmes ; tout ceci au nom de la prétendue realpolitik (2) et des intérêts économiques et géostratégiques qui en découlent, au mépris des normes internationales et de l’intérêt des peuples, et au risque de nourrir les pires sentiments de colère et de radicalisation chez des citoyens finalement sans voix et sans recours. Les discours chantant la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen n’ont donc jamais été qu’une simple rhétorique servant des intérêts privés fondés sur la libéralisation économique.

Car à bien y songer, que représentent réellement ces droits lorsque l’inégalité économique permet aux uns ce qu’elle interdit aux autres ?

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(1) Le terme “Occident” est à entendre selon le concept géopolitique qui renvoie généralement aux pays membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Toutefois, il est nécessaire de rappeler que dans le contexte égyptien, la coalition qui orchestre le processus de contre-révolution et qui s’articule autour des Etats-Unis, d’Israël et de l’Union européenne, inclue dans ses principaux protagonistes les oligarchies du Golf (fer de lance du likoud arabe) qui coopèrent et qui facilitent le prolongement du dit processus au Yémen, en Tunisie (où l’on est parvenu à imposer par les urnes le retour de l’ancien régime), en Syrie et en Lybie.

(2) Realpolitik : Stratégie politique fondée, non pas sur des a priori idéologiques ou des jugements de valeur, mais sur l’importance économique ou géopolitique des interlocuteurs. Une realpolitik privilégie l’efficacité, le concret et le réalisme par rapport aux considérations de principe, d’éthique ou de morale. Elle évalue donc les rapports de force en présence et recherche avant tout l’intérêt national. (http://www.toupie.org/Dictionnaire/Realpolitik.htm)

 

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