Nelson Mandela n’est plus

On rapporte, parmi les récits de la bibliographie du Prophète Mohammad – que la bénédiction et salut soient sur lui – qu’il s’est levé au passage d’une procession funéraire. Ces compagnons (que Dieu les agréés) le questionnèrent car le défunt n’était pas issu de leur rang. Il répondit que toute âme mérite le respect car elle est créée par Dieu.

La notion de mourowa [1] traduite par « vertus humaines », suggère que les qualités peuvent se trouver partout, indépendamment de la religion, du groupe et de l’appartenance ethnique. Il est indéniable que Madiba, comme les sud africains aiment affectionnément l’appeler, a démontré des caractères à faire pâlir beaucoup de politiciens.

Nous n’allons pas nous lancer dans un discours d’enterrement, ce que d’autres ont l’habitude de faire alors qu’ils auraient préféré cracher sur sa tombe au lieu d’y déposer une gerbe de fleurs ; tant le défunt a mis fin à des privilèges et combattu des injustices. N’oublions pas aussi que l’apartheid en Afrique du Sud était longtemps soutenu par la majorité des pays occidentaux, à savoir, l’Europe et l’Amérique du Nord. Il ne s’agit pas ici d’ouvrir de vielles plaies, c’est juste une question de mémoire comme nous aimons le répéter dans ce Vieux continent, une mémoire qui s’avère sélective. C’est aussi une façon de connaître le passé afin de comprendre le présent pour mieux préparer le futur. Mandela s’est battu contre la ségrégation. Or, des murs continuent d’être érigés ailleurs dans la ligne droite de l’apartheid. Ces murs sont soit physiques soit idéologiques ou tout simplement dans l’esprit des gens. Le mur est certainement physique en Cisjordanie et à Gaza. On constate que ceux qui applaudissaient des deux mains Mandela continuent à taper les commanditaires de ce mur très légèrement sur les doigts. Et ce mur est surement idéologique ailleurs quand il s’agit de stigmatiser une partie de la population à cause de sa religion ou sa culture ; les musulmans et maintenant les Roms en savent quelques choses.

Quelques mots pourraient résumer alors l’héritage de cette grande figure qu’était Mandela : la persévérance, la résilience, le pardon, ne pas tomber dans la haine de l’autre, ne pas diviser pour mieux régner. Pendant la période pré-libération, il a su rester patient, en s’adaptant à ses différents interlocuteurs, tortionnaires ou non. Après le dénouement final de son combat, il a incité les sud africains à se pardonner malgré l’animosité de 350 ans dont environ 50 années d’apartheid. Il a privilégié une société non raciale (il n’a pas utilisé le mot « multiraciale » qui pourrait prêter à la confusion) pour éviter la haine de l’autre, différent de soi. Il a insisté sur un pays uni, conscient de la crise économique et sociale qui frappait une partie de la population, afin d’éviter une division inutile.

Nous aurions aimé, à la place du vibrant hommage verbal rendu à Mandela, que les différents détenteurs du pouvoir et les politiciens de tout bord s’inspirent de son exemple. Il est donc légitime de nous poser certaines questions quand nous entendons les responsables de la situation à Gaza et en Cisjordanie saluer la mémoire de Mandela alors qu’ils sont en train de mettre en place le système qu’il combattît sa vie durant. Il en est de même pour le nouvel homme fort de l’Egypte et ses valets. Voici quelqu’un qui n’a pas hésité à diviser son pays en anti et pro, qui a semé la violence en donnant l’ordre de tirer sur tout ce qui bouge, ou ce qui ne bouge pas d’ailleurs à l’instar d’une adolescente de 17 ans martyrisée au cours d’un simple sitting [2]. Que dire encore des politiciens qui, par temps de crise et, à défaut de ne pas pouvoir faire des miracles en multipliant des petits pains [3] préféraient sortir de leur chapeau une histoire de viennoiserie, à savoir, des petits pains au chocolat arrachés par certains enfants des mains d’autres enfants en plein Ramadan. Et comme ils ne peuvent pas non plus marcher sur l’eau [3], ils optent pour la création des vagues islamophobes (ou anti-rom, d’ailleurs) pour pouvoir surfer dessus. Espérons alors que des hommes de bonne volonté méditerons la vie de Mandela afin de s’en inspirer en vue d’un monde meilleur sans le choc des cultures ou autres.

Même si nous sommes dans un environnement où justifier son comportement par la foi en Dieu est mal vu, nous l’acclamons haut et fort : les vertus telles que le pardon et la recherche de l’union dans la diversité font partie de l’enseignement de l’Islam. Laissons le soin aux historiens de jeter un coup d’œil aux événements qui ont entouré le retour du Prophète (que la bénédiction et salut soient sur lui) à la Mecque après des années de persécution et d’exil, c’était un climat de pardon et de réconciliation qui y régnait. Cet exemple est toujours suivi par les vertueux jusqu’à présent. C’est de là que nous tirons nos références ; et notre message pour le monde n’est autre chose que de parfaire le comportement. La mort restera toujours un rappel quel que soit l’appartenance du défunt.


Note :
[1]    Mourowa : D’après Imam Abdessalam Yassine (que Dieu lui fasse miséricorde), ce concept englobe le fait de ne pas voir que du blanc ou que du noir chez nos interlocuteurs quelles que soient nos différences (de religions ou de compréhension). Les vertus ne se trouvent pas seulement d’un côté et les vices de l’autre. Ce thème mérite un article à lui tout seul. Nous y reviendrons, Insha Allah.

[2]    Un pensée particulière ici pour Asma Al-Beltagi, 17 ans, sauvagement abattu par les tirants, une icône de la place Rabaa Al-Adawiyyah.

[3]    « La multiplication des petits pains » et « La Marche sur les eaux » sont deux miracles bibliques accomplis par Jésus (paix sur lui). Ce passage est surtout une allusion à une polémique soulevée par un homme politique français au cours d’une élection interne de son parti alors qu’il était très mal-en-point dans les sondages. 

 

 

 

 

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