La raison humaine : entre indépendance et soumission à Dieu

Existe-t-il quelque différence entre un intellect adhérant à la Révélation et un autre qui évacue d’emblée toute référence au Créateur, qui s’abreuve d’une source purement terrestre, qui appréhende le monde avec un regard d’emprunt, qui a systématiquement recours à la preuve scientifique, et dont les veines sont irriguées de courants philosophiques évolutionnistes.

La configuration cérébrale n’est-elle pas la même pour tous ? Les gens ne sont-ils pas soit intelligents et éduqués, soit sombrant dans un abîme quelconque de l’illettrisme ?

Quels rapports peut-il y avoir entre la raison et la Révélation  ? Cette Révélation qui a définitivement été classée par les psychologues et les orientalistes parmi les phénomènes pathologiques anormaux.

Mais les croyants et les croyantes ont entre leurs mains Le Livre de Dieu le Très-Haut, Créateur de l’Homme, de ses facultés et de sa capacité à raisonner. Ils ont entre leurs mains de quoi se prémunir des égarements de la raison orgueilleuse sourde et aveugle à la Révélation. Surdité et aveuglement qui ont pour effet de dévoyer encore plus cette raison, la faisant tomber dans une auto-suffisance et une indépendance qui l’amènent en conclusion à s’ériger en divinité[1]. Le résultat final est que cette raison spéculative, organisatrice des affaires ici-bas, en arrive à être voilée des vérités du monde insensible tant qu’elle n’écoute pas et ne voit pas la lumière de la Révélation.

Et c’est là que réside la spécificité de la raison croyante et sa différence fondamentale avec la raison partagée par tous les humains. Car la différenciation est beaucoup plus profonde qu’une simple question terminologique qui séparerait la raison recevant de Dieu et stimulée par Ses recommandations de la raison instrumentale. Il ne s’agit nullement d’une échelle de valeurs où l’une aurait plus ou moins de sagesse et de perspicacité que l’autre, mais la différence tient plutôt d’une distinction quant à leurs natures respectives.

En effet, un vaste champ pour la réflexion et la méditation méthodique et logique s’offre à la raison instrumentale et scientiste, et ce dans le cadre de tout ce qui se rapporte au cosmique. Mais dès lors que cette raison tente d’accéder au supra-sensoriel et de sonder ce qui est hors de sa perception et de ses limites, elle erre dans les océans philosophiques et se perd dans les hypothèses et les spéculations.

Et ceci est inéluctable, à moins que la grâce de Dieu n’atteigne cette raison pour la ramener de ses horizons d’égarement vers le seuil de la fitra[2], un état dans lequel se retrouvent, sur le même pied d’égalité, celui qui est resté sur sa condition naturelle non corrompue par les parents ou la société, et le philosophe revenu de ses excursions intellectuelles et de ses dissertations.

Le seuil de la fitra est tout simplement le besoin pour tout produit d’un artisan. Evidence parmi les évidences intuitives de la raison humaine inaltérée, qui s’est soudain retrouvée remise en cause par l’approche philosophique moderne. Et c’est alors que la raison instrumentale, aveugle aux certitudes intuitives, accepte en toute stupidité qu’elle soit auto-créée !

Darwin, le philosophe naturaliste, a vu sa théorie s’élaborer et sa doctrine se consolider dans son esprit lorsqu’il a visité les îles Galápagos et qu’il y a été le disciple d’une nature isolée du continent pendant des millions d’années. Cette nature a alors développé un mode de vie qui a su préserver l’existence de sa faune et de sa flore. Un développement autonome selon sa prétention et son aveuglement.

Des iguanes terrestres se seraient alors dotés, par étapes et par leurs propres moyens, de deux larges poumons pour atteindre les fonds marins et ainsi avoir accès aux herbes marines quand les herbes terrestres se sont faites rares.

Sur de longues périodes successives, la tortue géante, reine des Galápagos, aurait développé un style de vie et des moyens de survie compatibles avec son milieu naturel. Les îles ont alors porté le nom de la tortue, Galápago signifiant tortue en espagnol. Elle se serait confectionnée au fil des générations un long cou pour atteindre les branches des arbustes qui habituellement étaient hors de sa portée.

Et voilà que Darwin grimpe sur le dos de la tortue enseignante ! C’est alors que s’est dévoilée à lui la théorie de l’évolution qu’il exposa publiquement. Il a questionné les continents, les plaines et les montagnes, les terres arides ou peuplées. Il lui a alors semblé que la loi de l’évolution était générale dans la nature. Nature qui, selon sa théorie, se produit par elle-même et développe pour ses membres des organes compatibles avec leur milieu évolutif.

Ce principe était valable pour les reptiles et les tortues des îles Galápagos, pour les insectes du désert et les poissons de la mer. Cela concernait aussi le singe qui a évolué par la seule force de sa volonté, d’âge en âge, jusqu’à se tenir debout et utiliser des outils de pierre. Puis il aurait développé son mental, élargi son crâne, augmenté le poids de son cerveau. Son intelligence se serait affinée. Il aurait raffiné son caractère, se serait épilé le corps, aurait ajusté son nez et arrangé son aspect. Il aurait parlé le langage des signes, puis aurait réussi à prononcer des paroles après s’être exprimé par grognements instinctifs. Ensuite, il aurait élaboré un langage puis plusieurs langues pour poser par la suite les bases de la science et de la philosophie.

Et c’est ainsi que la raison instrumentale philosophe se perd dans une logique creuse et tourne en rond après que ses accès se soient fermés, que ses voies se soient obstruées, que ses yeux se soient aveuglés, que ses oreilles se soient assourdies en refusant l’enseignement de la Révélation.

D’après l’ouvrage “Mihnat al-‘Aql al-Muslim Bayna Syâdat al-Wahy Wa Saytarat al-Hawâ“, Abdessalam Yassine


[1] Dans la philosophie antique, notamment celle des stoïciens, la raison en tant que divinité, source de toute pensée, est appelée logos.

[2] Expression générique de l’Islam pouvant être plus ou moins traduite par prime nature, innéité de l’Homme, spontanéité que n’a pas déformée l’altération, nature primordiale, norme primordiale, foi originelle, condition naturelle, croyance originelle, aspiration naturelle vers Dieu, nature profonde de l’humain, élan naturel du cœur vers son Créateur, souffle préexistant,…

M. Chodkiewicz pense à un « état d’enfance » propre à recevoir « l’illumination »

J. Berque la traduit par prime nature.

Blaise Pascal n’en est pas loin dans une pensée présente dans le tome I de ses « Pensées » :

« Ceux qui croient sans avoir lu les testaments, c’est parce qu’ils ont une disposition intérieure toute simple, et que ce qu’ils entendent dire de la religion y est conforme. Ils sentent qu’un Dieu les a faits. »

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