Les Ramadans passent, et je les ressens enfin.

Le réveil

Je me réveille et c’est déjà terminé.  Nous sommes en juillet 2016.

Une fois la fête passée, le temps reprend ses droits, futiles et inadéquats lorsque l’on sort d’une période d’intense spiritualité.

J’ai le « Ramadan Blues ».  Chawwal vient de débuter que je compte déjà les jours qui me ramèneront au prochain mois béni.

Cela fait plus de 20 ans maintenant que je jeûne et pour la première fois de ma vie, les deux dernières instances de ce jeûne furent troublantes, transcendantes avec un petit plus pour cette dernière. Je me souviens de mes premiers jeûnes, jeune et insouciant, fier comme Artaban, me privant de nourriture, solide comme un roc, un pic, un cap, que dis-je….

A cette époque, rien ne peut m’empêcher de me priver de nourriture, de boissons, de mauvaises pensées…je suis Musulman, je suis un jeune jeûneur.

Comme dirait l’imam Ghazali, je suis un jeûneur du commun, se pensant jeûneur de l’élite, ne connaissant pas les niveaux différents qui mènent au cœur de notre âme, en passant par notre cœur, lui faisant oublier les joutes inutiles auxquelles nous nous livrons jour après jour pour nous mener droit à notre fin, sans penser à notre vie, sans « voir » notre but.

Et ces jeûnes du commun, j’en ai fait plusieurs sans même m’en rendre compte mais au fil du temps, mon âme se manifestait à moi et ce que je ressentais comme un problème de conscience n’était en réalité que ce souffle qui me disait qu’il y avait, dans ce jeûne, plus à faire, à ressentir, à goûter en se privant de faire, de ressentir et de goûter mais sur des plans de conscience différents.

(Re)Prise de conscience inconsciente

Alors, l’éveil s’est fait petit à petit, chaque année, me rapprochant inexorablement de l’ultime souffle, celui qui me mènera à mon jugement et que Dieu fasse qu’il me soit doux et bénéfique.

Mes lectures dirigent mes pas vers le mieux, sans y toucher encore.  L’intention est le premier concept sur lequel je me penche, intensément. «  Alors comme ça, mes actes ne valent que par mes intentions ? ».  Mais mon intention, quelle est-elle ?  Faire le bien, oui, mais pourquoi, pour qui ?

A ce moment-là, première surprise, mon âme m’a guidé vers mon premier questionnement intérieur.  Mes intentions sont bonnes mais vers qui sont-elles tournées ?  La réponse fuse même si je ne veux pas y croire.  Si Dieu est là, la plupart de mes actes sont là pour plaire aux gens qui m’entourent.  La rétribution divine n’est que la cerise sur le gâteau.

J’ai alors la trentaine et je dois dompter mon ego, le faire taire et me rendre compte que tout ce que j’ai acquis jusque-là est grâce à Lui, tout ce que je possède autour de moi, êtres vivants ou inanimés, était déjà écrit sur Ses tablettes.  Je ne suis que Son humble serviteur et un homme parmi les autres qui doit se battre dans le bien pour gagner sa place auprès de Lui.

Très rapidement, par la suite, je grille les étapes, mon cœur se métamorphose, mon âme travaille dans l’ombre pour que je gagne la Lumière, Sa lumière. Je passe par la compréhension véritable du sens, de l’essence de ce mois, son importance, sa sacralité, pour toute l’Humanité. Je comprends ensuite l’importance de le vivre et de le ressentir profondément, de me repentir intensément et sincèrement.  Je vois le temps qui défile, les Ramadan passent, et je les ressens enfin.

En 2015

Le temps s’arrête il y a deux ans.  J’émets mon intention à Son intention, chacun de mes actes est pensé, le mois s’écoule, les journées sont longues mais je me languis du lendemain, si Il me prête vie. Mes prières sont un concentré de concentration, ma lecture du Coran s’intensifie, cela fait maintenant quelque temps que j’arrive à toucher du doigt le second niveau dont parlait Ghazali, la question subsiste, comprendre les niveaux signifie-t-il les atteindre et si non, comment trouver la synergie entre le corps, le cœur et l’âme pour y accéder ?

Le mois se termine sans que j’ai pu trouver ma réponse.  Je ressens plus, je vis plus mais il me manque la clé libératrice qui ouvre la porte de mon âme à mon cœur pour ne faire qu’un dans l’accomplissement de ce pilier pour se plonger dans les abîmes de cette quête qu’est le dernier niveau, celui de « l’élite de l’élite », celui qui, réunit les autres et les complète ; après avoir réussi à dompter son ventre, préserver sa langue, son ouïe, sa vue et tous ses membres, enfin fortifier son cœur pour arriver à le détourner des préoccupations quotidiennes et des pensées iconoclastes et bassement terre-à-terre.

Mon éclosion

Et me voilà en 2016, mon intention est évoquée, spontanée, je sais et je pense ressentir ce que les Compagnons ressentaient à l’approche de ce mois.  Mes actes sont dirigés, orientés vers Lui, pour Lui.  Mes rencontres des dernières années, rencontres littéraires mais aussi réelles, m’ont aidé à me rapprocher du sens véritable, de l’essence de ce mois « Le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, preuve claire de la bonne direction et du discernement » (1).

L’intention est de chaque instant, la lecture est là, présente, répétée, intégrée, les prières sont profondes, les invocations presque constantes.  Au-delà de cela, la demande de pardon est sincère et, au plus profond de mon être, je sens l’approbation divine avec une douce joie, emplie d’émotions inexplicables et inexpliquées. Mon être tout entier est tourné vers Sa Face, la nuit des Hommes devient le prolongement de mon jour, le moment exquis où, avec mes frères de Foi, j’évoque, invoque et loue Celui qui subsiste par Lui-même, « Al Qayyum ». 

La cadence s’intensifie lors de la dernière décade. Les nuits sont un refuge, Sa Miséricorde et Sa Bénédiction l’objectif ultime. L’envie est si grande de me retrouver pris dans la nuit du destin, celle dont notre Livre nous dit qu’elle est « meilleure que mille mois » (2).

Enfin arrive le jour de la fête, le nouveau mois lunaire est là, et Ramadan me manque déjà.

La fête est partout, dans notre communauté, dans les rues, dans la famille, dans notre cœur, et notre âme  se réjouit, de la fête présente et des futurs rapprochements.

Parce que chaque jour qui passe nous rapproche de Lui, de Sa Lumière, du Retour à nos origines spirituelles et transcendantes. 

« Certes nous sommes à Dieu et c’est auprès de Lui qu’est notre retour » (3).

J’entends et comprends aujourd’hui, en débutant ce nouveau mois de Ramadan, grâce à Dieu, la parole de notre Prophète bien-aimé (que la Paix et la Bénédiction de Dieu lui soient accordées) : « Si les gens savaient ce qu’est réellement Ramadan, ma communauté aurait souhaité que toute l’année soit Ramadan » (4).

(1)Coran : Sourate 2, verset 185

(2)Coran : Sourate 97, verset 3

(3)Coran : Sourate 2, verset 156

(4)Hadith rapporté par Ibn Khouzayma selon Abû Mas’ud al Ghifâri

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