Les dégâts des mots

L’islam a accordé un soin particulier à propos des paroles et à la manière de les formuler et de les échanger. Ceci parce que les paroles émanant d’un homme reflètent le degré de son intelligence et la nature de son caractère. Aussi parce que les types de conversations d’un groupe donné déterminent son niveau général et le degré d’enracinement de la vertu dans son milieu. L’individu doit s’interroger avant de parler à autrui. Y a-t-il quelque chose qui nécessite son intervention ? S’il découvre un motif louable, qu’il parle sinon il vaut mieux garder le silence. Ainsi, parmi les bons conseils donnés par le prophète, paix et salut sur lui, en voici un qui dit : attache-toi au long silence, il chasse le démon et t’aide dans la foi.

Cet exposé est constitué d’une énumération des différents défauts de notre usage de la langue. Ainsi, je vais vous les citer dans le but de retrouver nos défauts et de les corriger dans le futur.

Parler de ce qui ne nous regarde pas

Sachant que le capital du croyant est son temps, les instants de sa vie sont précieux et passent sans retour. Le prophète, paix et salut sur lui, a dit : Un des signes de perfection de la foi chez l’individu est l’abandon de ce qui ne le regarde pas.

Parler de ce qui ne nous regarde pas, c’est  perdre notre temps et de faire perdre celui de notre interlocuteur en posant des questions du genre : Est-ce que vous jeûnez ? Son jeûne perd sa vertu ultime qui est d’être observé en secret car l’adoration en secret est plus élevée. S’il répond par non, alors il aurait menti. S’il ne répond pas, il aurait méprisé son interlocuteur. Ainsi, par une parole sur quelque chose qui ne nous regarde pas, nous avons  exposé quelqu’un à l’ostentation en dévoilant son jeûne ou au mensonge ou au mépris.

Le surplus dans la parole

C’est à définir comme excès de parole dans un intérêt quelconque. Si on a besoin de deux mots pour exprimer une chose, alors le troisième mot est en plus. Cette indiscrétion n’est pas interdite mais elle est déconseillée. Le coran nous désigne ce qui est important et bon à investir dans la parole : « Il n’y a rien dans la plus grande partie de leurs conversations secrètes, sauf si l’un d ‘eux ordonne une charité, une bonne action ou une grande conciliation entre les gens. Et quiconque le fait, cherchant l’agrément de Dieu, à celui-là Nous ordonnerons bientôt une récompense » (1). Le prophète, paix et salut sur lui, a dit : «Heureux est celui qui retient le surplus de sa langue et dépense le surplus de son argent»(2). De notre temps les gens agissent inversement.

Parler vainement

Il est dans les habitudes des gens de parler dans les assemblées, des femmes, des histoires des débauchés, des riches et de leur vie de luxe, de leurs mauvaises habitudes de rire des gens et de dire des vanités. Cela est illicite. Dieu dit dans le coran : « Dans le Livre, il vous a déjà révélé ceci : lorsque vous entendez qu’on renie les signes de Dieu et qu’on en rit, ne vous asseyez point avec ceux-là jusqu’à ce qu’ils entreprennent une autre conversation. Sinon, vous serez comme eux Dieu rassemblera, certes, les hypocrites et les mécréants, tous dans l’enfer »(3).

Sournoiserie (moraa’t) et polémique

La définition technique du mot moraa’t, décrit celui qui contredit les autres en faisant apparaître dans leurs discours des failles, et cela est soit dans les idées, dans la forme grammaticale, dans la prononciation ou dans l’éloquence. Quant à la moujadala, c’est de vouloir mettre son interlocuteur dans l’embarras, le tourner en ridicule, montrer l’incapacité de répondre, enfin mettre en évidence l’ignorance de son adversaire. Ces deux attitudes sont fortement déconseillées par le prophète, paix et salut sur lui, qui a dit : « N’agace pas ton frère, ne plaisante pas avec lui et ne lui donne pas de rendez-vous sans y aller ». (4)

Les disputes

La dispute va au-delà de la polémique car si celle-ci ne vise qu’à ridiculiser l’adversaire et apparaître sous son meilleur jour, dans la discussion, la dispute cherche à aboutir à un objectif bien déterminé comme la reprise d’un droit ou la restitution d’un bien et cela soit en commençant la dispute ou en la repoussant. L’excès y est interdit et chaque mot qui ne serait pas dit dans l’objectif visé est un mot de trop. Mais sachant que les disputes ne font qu’enraciner la colère et la haine, il vaut mieux éviter cela.

L’âpreté dans la parole

Une parole est destinée à transmettre des informations quelconques et tout effort dans les mots ou dans la forme qui dépasse l’objectivité est blâmable, telle la recherche de l’éloquence, de la composition (des propos rimés et élevés). Par contre l’embellissement des paroles dans le dessein d’influencer l’auditoire pour l’intérêt de celui-ci, comme le fait  d’émouvoir les gens dans leur religion mais pas dans l’intérêt de celui qui parle pour qu’il soit vu éloquent, savant…

Le libertinage (al fohche), l’insulte et la vulgarité

Al fohche se définit par rapport à la clarté de la description de certaines choses relatives à la pudeur. Le prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Evitez d’être grossier dans votre langage, car Dieu Exalté soit-Il, n’aime pas la grossièreté, l’obscénité ».

Le fait de maudire

Il est dans les habitudes des gens de maudire des objets, des animaux ou des hommes et tout cela est blâmable. Maudire quelqu’un revient à lui souhaiter du mal. On doit même éviter de maudire le libertin de son vivant ou après sa mort.

La poésie et les chansons licencieuses

Beaucoup d’encre a coulé à ce sujet. Il résulte que la poésie peut véhiculer de bonnes ou de mauvaises paroles avec de bonnes ou de mauvaises intentions. Ainsi, ce qui est licite de ces paroles et intentions, est licite et ce qui ne l’est pas est alors illicite. Le prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Il y a dans une certaine poésie de la sagesse ».

La plaisanterie

L’excès de plaisanterie est une chose blâmable, car il fait hériter à la longue des attitudes badines, un esprit léger, de la haine dans certains cas et il fait disparaître entre les croyants la vénération et le respect. Mais il n’est pas interdit ni déconseillé de plaisanter car le prophète a dit : « Je plaisante, mais je ne dis que la vérité »(5).

La moquerie

Le fait de se moquer les uns des autres est illicite, car Dieu dit dans le coran : « Ôvous les croyants ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe ; ceux-ci sont peut-être meilleurs qu’eux »(6).

Se moquer de quelqu’un revient à le mépriser, le diminuer, à citer ses défauts pour rire de lui. Toutefois il y a des amis qui ne se sentent pas offensés par le fait de se moquer les uns des autres mais les risques sont courus.

La divulgation

C’est encore un des dégâts de la langue. Le prophète, paix et salut sur lui, a dit : « La parole entre vous est un dépôt ».

Ainsi, divulguer un secret devient la trahison d’un dépôt qu’on vous aurait confié. Il reste alors que cette trahison est illicite si elle engendre des dégâts sinon c’est de la vilenie.

La promesse mensongère

La langue a tendance à promettre très facilement, alors qu’être fidèle à ses promesses est parfois impossible. Dans ce dernier cas, si l’on fait l’effort de tenir sa promesse sans succès, cela n’est pas grave si ce n’est pas fréquent. Alors que si l’on savait ne pas vouloir ou pouvoir tenir sa promesse au moment où on la donnait, cela est de l’hypocrisie. Dieu dit dans le Coran : « Ô vous qui croyez ! Soyez fidèles à vos engagements » (7).

Le mensonge dans la parole et le serment

Ce genre de mensonge relève du péché grave et des défauts pernicieux. Ceci est attesté plusieurs fois par le prophète, paix et salut sur lui : « Prenez garde au mensonge, il est associé à l’impudence. Et tous deux conduisent en enfer » (8). Le mensonge est aussi l’une des portes de l’hypocrisie.

La médisance

Sachez que la médisance est le fait de parler de ton frère en des termes qui lui auraient déplu s’il l’avait su. Que ce soit en évoquant des défauts relatifs à son corps, son caractère, son origine, ses œuvres … Dieu dit dans le coran : « … Et ne médisez pas les uns des autres, l’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? Vous en aurez horreur … » (9).

Conclusion

Ainsi il convient pour l’individu de ne dire que du bien et d’accoutumer sa langue à user de belles paroles, les belles expressions qui reflètent les sentiments intérieurs de l’âme relèvent de la grande politesse que le bon seigneur exige. Les bonnes paroles conviennent aussi bien avec les amis qu’avec les ennemies et produisent des fruits agréables. Le démon est toujours aux aguets pour piéger les humains, il veut semer la haine et l’hostilité entre eux et transformer un petit différend en querelle sanglante. Voilà pourquoi il n’y a que les bonnes paroles qui peuvent lui barrer le chemin.

Tiré de l’ouvrage « Les dégâts des mots » de l’imam Abou Hamid Al-Ghazali

(1) Coran : 4/114

(2) Rapporté par el Bayhaqui

(3) Coran : 4 /140

(4) Rapporté par Tirmidhi d’après Ikrima d’âpres Ibn Abbas

(5) Rapporté par Tabarani

(6) Coran : 49/11

(7) Coran : 61/2

(8) Rapporté par Boukhari et Muslim

(9) Coran : 49/12

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