8 mars, le combat n’est pas encore gagné pour les femmes

Le mois de mars 2014 marquera pour nous, femmes musulmanes en France, deux événements ; la journée internationale du droit des femmes et le triste anniversaire de la loi du 15 mars 2004 qui exclut de l’école publique les filles portant un foulard.

 

La journée internationale des femmes, et non de la femme car nous sommes plurielles, a été officialisée en 1977 par les Nations-Unies. Elle trouve son origine dans les luttes de femmes, ouvrières et suffragettes du début du XXe siècle pour de meilleures conditions de travail et le droit de vote en France et en Europe. Mais beaucoup d’autres femmes dans le monde luttaient au même moment pour de meilleures conditions de vie.

C’est une journée de manifestation à travers le monde et surtout l’occasion de faire un bilan sur la situation des femmes. Traditionnellement, les associations de militant-e-s organisent des manifestations pour célébrer les victoires et acquis mais en profitent pour faire entendre leurs revendications et améliorer la situation des femmes.

C’est la charte des Nations-Unies, signée à San Francisco en 1945, qui fut le premier instrument international à proclamer l’égalité des sexes en tant que droit fondamental de la personne humaine. En France, c’est en 1944 que les femmes ont obtenu le droit de vote. Mais le principe d’égalité absolue entre hommes et femmes est inscrit dans le préambule de la Constitution de la quatrième République en 1946, et c’est seulement en 1965 que les femmes obtiennent le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur mari.

Aujourd’hui, en France, il y a un arsenal politico-juridique pour promouvoir les droits des femmes et l’égalité hommes/femmes : égalité professionnelle, parité, lutte contre les violences faites aux femmes… Mais en pratique, il n’en est rien. Les femmes touchent 9 % de moins que les hommes à poste et expérience équivalents (chiffres de l’INSEE en 2009 sur le site de l’observatoire des inégalités). Concernant la parité, il n’y a que 28 % de femmes au Sénat aux dernières élections de 2011 et 26,9 % à l’Assemblée Nationale depuis 2012, un record depuis l’éligibilité des femmes. 80 % des tâches ménagères sont effectuées par les femmes. Quelques chiffres du Ministère des droits des femmes concernant les violences faites aux femmes : 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en 2 ans, 148 sont mortes sous les coups de leur conjoint en 2012.

Bonne ou mauvaise nouvelle, les musulman-e-s sont comme le reste de la population, à ceci près ils/elles ont des références religieuses en plus qui vont dans le sens de l’égalité hommes/femmes. Depuis la création d’Adam et de son épouse Hawwa (ou Eve), Dieu n’a cessé d’envoyer des signes évidents, pour ceux qui réfléchissent, pour corriger les injustices et inégalités que subissent les femmes, qui sont, à mon sens, plus culturelles que religieuses. Deux exemples pour étayer cela. Quand Hanna, mère de Maryam (mère de Jésus) tombe enceinte, elle demanda à Dieu un garçon pour qu’il soit entièrement voué à Lui dans le temple où, n’avaient le droit d’entrer que les hommes, Dieu lui donna une fille et ordonna à Zakaria qu’elle entre dans le temple pour servir notre Seigneur. Cette réponse divine fut une révolution dans la société de l’époque. Les hommes ne sont pas les seuls dignes de rentrer dans le temple pour adorer Dieu. Hommes et femmes sont égaux devant Dieu.

Le deuxième exemple est celui de l’arrivée de notre bien-aimé prophète paix sur lui. Il a été choisi dans une société misogyne, comme le reste du monde à l’époque. Une grande partie de sa mission consistait à corriger les inégalités entre les hommes et les femmes. Toute sa vie fut un modèle d’égalité et de justice pour les croyants. Son rapport à ses épouses n’a jamais fait apparaître un rapport de domination. Il participait aux tâches ménagères comme faire le pain ou la vaisselle malgré son rôle de chef d’Etat qui lui prenait beaucoup de temps.

D’autre part, les femmes questionnaient la révélation et revendiquaient l’égalité. Un jour, Oum Salama, femme du messager de Dieu, paix sur lui, demanda  les raisons pour lesquelles Dieu s’adressait aux femmes à travers les hommes, c’est-à-dire au masculin. La révélation ne tarda pas à descendre et s’adressa aux femmes au féminin (sourate al ahzab, verset 35).

Tout comme l’arsenal juridique en France, le Coran et la sunna comportent un arsenal législatif  qui prône l’égalité hommes/femmes. D’ailleurs tous les musulmans n’ont cessé de répéter que l’Islam a honoré la femme. C’est, une fois de plus, la mise en pratique de la théorie qui est pointée du doigt.

Les femmes musulmanes doivent donc, faire face à une double difficulté ; elles doivent lutter, comme toutes les autres femmes, pour faire appliquer leurs droits civils, mais aussi à l’intérieur de leur communauté de foi, lutter  pour faire respecter leurs droits religieux.

Nous célébrons donc la journée internationale du droit des femmes le 8 mars et une semaine après, le 15 mars 2014, nous devrons « célébrer » le triste anniversaire de la loi du 15 mars 2004. Des féministes luttent pour l’égalité hommes/femmes, contre les violences faites aux femmes, tentent de gagner de nouveaux droits chaque jour pour les femmes, mais en même temps, elles cautionnent l’exclusion légale et violente de jeunes filles de l’école publique, alors même que le droit à l’éducation est un droit fondamental. 

La commission Stasi qui a donné lieu au vote de cette loi liberticide préconisait pourtant de faire un bilan de la loi un an après sa mise en application, mais il n’en sera rien. Nous entendons depuis quelques années, des responsables politiques nous dire que la loi s’est très bien passée, sans avoir pris la peine de procéder à un quelconque bilan. Ce qu’on peut constater par contre, c’est une exclusion violemment perçue par  beaucoup de jeunes filles au lendemain de la promulgation de la loi. Aujourd’hui encore, nombre de jeunes filles se sentent humiliées  quand elles choisissent d’aller à l’école. Elles sont obligées d’enlever leur foulard devant le portail de l’école, en baissant la tête et le remettre à la sortie. Personne ne prend en compte la violence et la souffrance psychologiques que ressentent ces filles. Pourquoi des féministes françaises ne considèrent-elles pas les femmes portant le foulard comme des femmes ? Pourquoi les violences que subissent ces filles ne méritent-elles pas d’être prises en compte ? Le choix des femmes n’est-il valable que quand elles se dénudent ou seulement quand elles ne sont pas musulmanes ?

La loi du 15 mars 2004 n’était finalement que le premier palier d’une série de mesures visant à discriminer de plus en plus les femmes musulmanes. En effet, depuis 2004, des mamans portant le foulard sont exclues des sorties scolaires de leurs enfants au nom de cette loi alors même que sa circulaire d’application précisait que les parents n’étaient pas concernés par la loi. Et comme si cela ne suffisait pas, en 2012, Luc Chatel ressent le besoin de mettre en place une circulaire pour mieux légaliser les exclusions. Depuis 2010, c’est une loi qui a été taillée sur mesure pour quelques centaines de femmes pour interdire le voile intégral dans tout l’espace public. A l’université, c’est une épée de Damoclès qui est suspendue à la tête des étudiantes portant le foulard qui peinent à trouver des stages et qui se demandent quand arrivera leur tour. Dans le monde du travail, les femmes musulmanes portant le foulard peinent à y trouver une place même si aucune loi n’interdit le port du foulard dans les entreprises privées. C’est même devenu normal pour un employé de café de refuser une femme dans son commerce parce qu’elle porte un foulard. Depuis quelques mois, des femmes musulmanes portant un foulard sont victimes de violentes agressions dans la rue accompagnées d’insultes islamophobes et foulard arraché dans certains cas.

Ces discriminations commencent à s’étendre aux hommes musulmans ou supposés l’être. Dans le monde du travail, on voit apparaître de nouveaux termes ; la barbe islamique par exemple ; Un « salam » est devenu un signe de radicalisation et peut entraîner une exclusion du travail et la liste n’est pas exhaustive.

Les droits en général, ceux des femmes en particulier, s’obtiennent par les luttes. Les musulmanes ne sauront déroger  à cette règle. C’est une lutte légitime, que les compagnonnes du prophète (paix et salut sur lui) ont mené et que nous devrons mener à notre tour, non contre les hommes, mais avec eux car l’équilibre de la société en dépend.

«  Pour changer le machisme de la jurisprudence musulmane, dit Nadia Yassine, il faudrait que les femmes participent plus à l’effort d’ijtihad et que les hommes aient plus de spiritualité pour accepter de sortir de leurs petits égos et perdre des privilèges, car l’Islam, nous dit-elle, n’est pas ce qu’on croit au niveau des droits de la femme »[1]

 


[1] Interview Nadia Yassine, OummaTV, http://www.you tube.com/watch?v=J59Q9Mr0J9I

 

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